Journée d’étude du GIREP
- 17.11.2018 – Corps réel/corps rêvé : Paroles de psychanalystes
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Vous trouverez ci dessous les textes d’introduction de la Journée d’Etudes. Les textes des interventions seront publiées ultérieurement dans la Revue Imaginaire et Inconscient
Accueil de la Journée d’Etudes 17 11 2018
Bénédicte Berruyer-Lamoine
Au nom du GIREP dont j’assume la présidence, je souhaite accueillir chacun et chacune de vous, en vous remerciant d’être là pour venir travailler avec nous lors de cette journée d’Etudes Corps réel/Corps rêvé : paroles de psychanalystes. Il me semble qu’au GIREP, nous essayons, à notre niveau, comme d’autres psychanalystes, de collaborer, contribuer à ce que la psychanalyse évolue, en particulier en s’adossant encore et toujours plus sur la clinique. La clinique, celle que nous rencontrons dans notre quotidien de praticien, quelle que soit notre pratique, libérale, institutionnelle, groupale, n’est jamais figée ; elle se rencontre mais aussi se dérobe, prend la forme d’une énigme, d’un inconnu, d’un jamais réduit, ou réductible… C’est ce qui en fait la richesse, mais aussi la complexité. On aimerait parfois, quand les journées d’écoute sont longues et lourdes, que la psyché humaine soit plus simple…
Ce qui fait aussi évoluer la psychanalyse, c’est aussi aller à la rencontre de l’autre, dans sa pratique et sa théorie, pas forcément psychanalytique, à condition que je sache, et que cet autre sache être dans la rigueur de son cadre et de son positionnement. A condition qu’il sache d’où il parle et d’où il écoute : l’art, le corps, l’écriture… C’est ce que nous essayons de faire lors de nos Journées d’Etudes, ou dans l’élaboration de notre revue Imaginaire et Inconscient, où se croisent et dialoguent des écritures et des écoutes multiples. Vous aurez d’ailleurs la possibilité lors de la Journée de profiter de tarifs intéressants sur des numéros de la Revue Imaginaire et Inconscient, en lien avec notre thématique du jour.
La présence d’une psychomotricienne aujourd’hui , parmi nos intervenantes, témoigne de la certitude que le psychanalyste ne saurait seul tout dire du corps, quand bien même ce corps est aussi un corps rêvé. Mais il ne serait pas question non plus d’avancer que la psychanalyse, toute occupée à la psyché et au rêve, n’aurait rien à dire du corps, du corporel, du somatique.
Ce qui fait aussi évoluer la psychanalyse, c’est de s’autoriser à penser que Freud n’a pas tout inventé, sinon on fait du freudisme, et pas de la psychanalyse ; « Que serait la psychanalyse si elle n’était pas toujours à remanier ? », souligne Patrick Guyomard dans un entretien récent dans la Quinzaine Littéraire. Il ajoute « on a parfois oublié qu’elle est une attention à la parole, et non un discours en soi », et je trouve cette formulation très vraie. Pour reprendre l’expression de René Kaës, les extensions de la psychanalyse aujourd’hui amènent à explorer des espaces psychiques autres que l’Inconscient individuel : le groupe, le couple, la famille, l’institution…
Ce que nous aimons explorer ici au GIREP, ce sont les espaces imaginaires, les espaces du rêve : rêve nocturne, mais aussi rêve-éveillé en séance, rêveries diurnes de toute sorte, productions imaginaires et créativité quotidienne. Ces espaces où le sujet-rêveur se dit, se rejoint lui-même d’une manière souvent nouvelle. « C’est comme une mise en présence », dit Ulysse après son premier rêve en séance. Quant à Hector, féru d’images de cinéma, mais disant de lui -même que s’il sait très bien parler de lui, merci, ça ne l’avance pas tellement, il dit de ses premières images de rêve-éveillé qu’il sent qu’il peut «les regarder, dialoguer avec ».
Aujourd’hui l’une de nos extensions, nous amène à expérimenter l’imaginaire groupal, lieu de rencontre de la scène du groupe et de l’imaginaire individuel. Une sorte « d’imaginaire singulier-pluriel », « d’imaginaire à plus d’un », pour reprendre la formule de l’une d’entre nous. Nous avons pensé pour l’instant cette exploration sous la forme d’un Atelier de l’Imaginaire ; un Atelier c’est un « lieu où s’élabore une œuvre » (CNRTL) . Cela dit bien cette proposition de venir faire, de venir élaborer avec nous ; l’Atelier se déroule sur une journée, et permet de faire une première expérience en groupe de l’imaginaire et du rêve-éveillé, et d’en entrevoir les potentialités dans notre travail clinique. Nos ateliers nous amèneront très certainement à élaborer sur les processus de l’imaginaire groupal et à penser des dispositifs thérapeutiques où cet étayage groupal serait aidant. Les prochains Ateliers auront lieu à Paris et Lyon, les dates ne sont pas fixées mais vous pouvez vous faire connaitre si vous souhaitez y participer une prochaine fois, et vous pouvez tout simplement venir en parler avec nous lors des pauses.
Nous avons encore beaucoup à explorer, comprendre, de cette potentialité psychique que représente l’image, le mouvement vers la figurabilité des contenus psychiques. Nous le ferons lors d’un grand colloque international dans deux ans à la même période, avec en particulier nos collègues italiens de la SISPI, qui continuent comme nous à tenter de construire une métapsychologie de l’image, de l’imaginaire et du rêve éveillé.
Il me reste à vous souhaiter, à nous souhaiter, que cette Journée soit justement une journée de construction et d’échange, de défrichage de nouveaux espaces, une journée créatrice de nouveaux liens.
Introduction Journée d’Etude du 17.11.2018
Florence de Wailly
Je souhaite tout d’abord vous remercier d’être là aujourd’hui car, à l’heure actuelle, prendre une journée entière pour écouter la parole de psychanalystes, est un signe au mieux de rébellion au pire de folie !
Je vous remercie donc d’accepter de prendre du temps pour penser, réfléchir et élaborer avec d’autres, professionnels ou non, de sensibilités différentes, dans le but de nous enrichir mutuellement et de continuer à inscrire notre humanité dans le creuset de la pensée.
En effet, notre société peine à penser me semble-t-il, et celles et ceux qui se risquent à une parole inscrite dans la réflexion et non pas dans l’instantanéité et l’air du temps, ne sont pas si nombreux.
Justement, de façon presque paradoxale, notre journée, intitulée « Corps réel/corps rêvé : paroles de psychanalystes », mêle des concepts qui semblent opposés ou difficiles à concilier : le corps, la pensée, le rêve, la parole. C’est d’ailleurs il me semble, ces confrontations paradoxales, qui rendent le métier, et la place du psychanalyste si unique, singulière et passionnante.
Le corps est partout : il est, vous le savez bien, l’enjeu de nombreux débats de société actuels.
Notre précédente journée d’étude, en 2016 sur le thème du Masculin et du Féminin, en a témoigné.
En septembre 2017, le Point a présenté un hors-série très complet, proposant des textes fondamentaux sur le corps, de Platon à Judith Butler pionnière des théories du genre.
Et je n’évoquerai pas ici, tous les écrits et les débats du moment sur la procréation, le transhumanisme, l’homme augmenté…
Ce corps donc est objet de soin, de souci ; lieu de limites, de renoncement, de castration ; une évidence s’impose : nous ne sommes rien, ou pas complètement nous, sans lui.
Corps plaisir, corps désir ; corps sain ou malade ; corps travail, corps refuge ; corps politique.
Il est caché ou exhibé ; source de plaisir ou de honte. Il est réel, fini, pensé, fantasmé, imagé..
J’ai emprunté de façon un peu éclectique, les mots de différents auteurs qui ont résonnés en moi au cours de la préparation de cette journée, et je propose de les faire résonner en vous pour débuter notre réflexion :
Platon : « Le corps est le tombeau de l’âme »
Marquis de Sade : « Les mouvements les plus simples du corps sont, pour tout homme qui les médite, des énigmes aussi difficiles à deviner que la pensée »
Rodin : « Le corps qui danse peut, avec des mouvements, exprimer plus que ne le peut la parole »
Daniel Pennac : « Nous sommes jusqu’au bout l’enfant de notre corps ; un enfant déconcerté »
Et enfin Alexis Jenni : « Sentez-vous ce que sent le corps ? Sentez, il a raison, il dit toujours vrai au sens où la réalité est toujours vraie, mais il le dit dans une langue étrangère, que nous comprenons très bien, sans en savoir un mot » .
Comment donc parler de nous, de notre corps, comment le penser ? Peut-être en le rêvant ?
Et si c’était les psychanalystes qui en parlaient le mieux ? Ce serait accepter un nouveau paradoxe et non des moindres !
Voilà pourtant ce que nous dit la psychanalyste Sylvie Le Poulichet :
« Dans la cure analytique, loin de générer un clivage entre le corps et la parole, l’image les articule en délivrant le « penser/figurer » qui les fonde ».
Nous allons donc laisser la parole à quatre psychanalystes. Elles vont nous parler de leur pratique, de leurs patients, de leur métier, en articulant leur propos autour de cette problématique du corps.
Vous allez découvrir la richesse apportée par la diversité des approches et des personnalités des unes et des autres ; diversité qui devient unité cohérente quand on fait appel à la littérature, mais aussi à des concepts communs autour desquels les unes et les autres se rejoignent.
Je vous propose d’être particulièrement attentifs à la (re)découverte du métier de thérapeute ; à ce qu’en disent les actrices elles-mêmes ; cette position d’analyste, vécue dans le transfert et le contre-transfert, source d’émotions parfois très fortes, positives ou négatives.
Les images, les paroles, le langage corporel, reçus et vécus par le thérapeute font de notre métier une aventure humaine incroyable mais parfois lourde à porter ; les interventions qui suivent en témoignent.
La rencontre entre un patient et son analyste, ce voyage thérapeutique inscrit entre parole et soma, s’incarne dans l’humilité, les hypothèses posées, les questionnements du thérapeute, et ne le laissent pas indemne à l’issue du travail effectué avec cet Autre accueilli dans son cabinet ; vous allez l’entendre.
Pour débuter notre réflexion, Sabine Fos-Falque se propose tout d’abord de nous exposer le concept de « chair épandue sur le divan ». Je la cite : « la chair devient corps par la grâce de la parole ». Cette parole écoutée et reçue par l’analyste, dans le processus de la cure, va permettre petit à petit au patient de devenir sujet de son corps. Sabine empruntera à la littérature par l’intermédiaire de l’Albertine endormie de Proust, une illustration de son propos.
A la suite de l’intervention de Sabine, Nathalie Roussel nous proposera en écho un texte court évoquant Mathilde, figure à la fois semblable et différente d’Albertine, et partageant avec l’analyste, son paysage intérieur par le truchement des rêves éveillés effectués en cure.
Après la pause, Fabienne Sardas nous parlera d’une patiente enceinte, au psychisme effracté, sidérée par l’annonce du handicap de son futur bébé ; le corps abimé du foetus, empêchant littéralement la future mère de penser son bébé à venir, de l’investir. A l’issue du récit de cette rencontre, qui nous sera présentée à deux voix grâce à la présence de Cécile Richard aux côtés de Fabienne, nous prendrons conscience que la thérapeute peut parfois être elle aussi « empêchée » de penser, et que l’écriture dans l’après-coup, permet d’apporter de nouvelles réponses, et de poursuivre un travail psychique.
Christia Berthelet Lorelle, en début d’après-midi, nous proposera une cure centrée autour de la question du trauma ; comment sortir de ce qui a été imprimé en nous, de ce qui fait mémoire dans notre corps et notre psychisme, et qui résonne en compulsion de répétition nous empêchant d’avancer ?
Christia interrogera la complémentarité de diverses pratiques comme la cure analytique avec ou sans rêve éveillé mais aussi l’apport de l’hypnose qui permet de « revisiter » des zones endormies de notre enfance, et d’ouvrir des chemins de guérison.
Nous terminerons cette journée en écoutant Myriam Jolinon-Cases, qui nous parlera de chutes : la sienne, celle de sa patiente et de la mère de celle-ci, dans une expérience analytique de deux corps en présence. Elle nous évoquera le corps du thérapeute « au gouvernail », (tenant la barre de la Loi) dans la cure, en union avec la psyché ; et interrogera l’espace de créativité entre rêve éveillé et éprouvés corporels, dans la relation transférentielle.
Voilà donc un programme qui s’annonce dense et passionnant !
En conclusion et en forme de clin d’œil, et parce que j’ai trouvé son témoignage extraordinaire, je voudrais vous citer une courte phrase de Philippe Lançon, dans son livre Le Lambeau paru au printemps dernier (prix Fémina et prix spécial Renaudot), et que vous pourrez trouver parmi les ouvrages que nos libraires vous proposent.
Ce journaliste à Libération et Charlie Hebdo, rescapé de l’attentat chez Charlie, y raconte son drame et sa reconstruction physique et psychique ; il y parle beaucoup de son corps (la partie inférieure de sa mâchoire arrachée a dû être reconstruite), de sa relation avec celui-ci, mais aussi de sa guérison accompagnée par la littérature et la musique. Je le cite :
« Le menton est vivant. J’en suis à croire que je pense par le menton. Heureusement, en ce moment je pense peu ».
Je nous souhaite quant à nous de penser beaucoup et pas seulement avec notre menton ou notre corps mais avec tout notre être, notre intelligence et notre cœur, et je nous souhaite à tous une belle journée.